• 1er PARTIE

       Depuis ma fuite de l’empire voisin, pour des raisons que je tairais pour l’instant, vers les bois obscurs du Méhorn, je vivais en compagnie de mon fidèle chien. Seuls mais paisibles parmi les innombrables secrets qui ornent les terres de brumes et de marais, nous travaillions à entretenir notre tranquillité en nous tenant à l’écart de toute inopportune rencontre.
       Je chérissais depuis cette époque, avec singularité les arbres qui me cachaient et me protégeaient de la vilénie de mon espèce. En effet, je vivais dans « les bras des géants », entre racines et minéraux, là où les plus téméraires des mineurs de Ragoth ne s’aventurent pas. Un des nombreux composants de ce sol était une pierre souvent grosse comme une châtaigne. Sa particularité était connue de peu de gens ; elle brillait comme une étoile pâle. A mon arrivée dans les bois du Méhorn, j’avais découvert un passage dans un tronc creux qui menait à un escalier souterrain. Obsédé par le désir de fuir et intrigué, je ne puis m’empêcher de descendre cet escalier mystérieux, une torche improvisée à la main. Bien souvent, je repensai à ce moment où je pris le risque de m’aventurer dans ce que je ne savais alors pas être l’ancienne demeure du roi des traitres : Falgoren le fou, disparu il y a de ça plus de deux cent ans. Mais le sourire ne me manque jamais au souvenir de la découverte de cette salle enfouie cent pieds sous terre ; lumineuse et chaleureuse, les murs et le plafond recouverts de cette pierre  magique et providentielle pour qui voulait se cacher.
     Si belle qu’elle était, plus inquiétante encore était cette pièce à mes yeux ; je ne pouvais alors pas me résoudre à profiter de cette aubaine et faire de cet endroit ma nouvelle demeure. Mais le sentiment que personne ne pourrait me trouver en pareil endroit fit germer en moi une idée qui me motivait de jour en jour. A l’autre bout des bois obscurs, proche d’une demi-douzaine de chênes aussi somptueux que gigantesques, je décidai de creuser toujours plus profond. Les premières années furent celle de la terre : j’avais pris gout aux souterrains et ne m’étais pas contenté de deux ou trois pièces. Ma demeure  comportait neuf pièces aussi grandes les unes que les autres. Toutes sauf une : ma chambre, étaient éclairées de milles feux. Bien sûr, hormis la cuisine, le salon et la pièce « propre », les autres servaient à entreposer nourriture et bien d’autres choses utiles pour la plupart. Mais quand chaque chose eut pris sa place, il était temps de passer à la seconde étape de mon projet.
    Un tunnel de quelques dizaines de mètres, partant de l’une des cinq pièces de trop, m’avouais-je parfois ; menait au tronc creux de l’un des chênes majestueux qui me berçait de ses racines. Une fois arrivé à la base de l’arbre, une échelle montait par l’intérieur jusque deux douzaines de mètres environ, avant de poursuivre sa route vers la cime d’autres chênes par un jeu de passerelles. Cette construction était ma plus grande fierté, mon désir étant de rester à l’écart des « autres » ; je me félicitais donc de ne rien percevoir moi-même du sol. L’excuse que je m’étais donné d’accomplir tout cela était de pouvoir cultiver à l’abri des regards, mais la raison qui m’avais poussé à le faire, était de pouvoir contempler étoiles, aubes et  crépuscules.
      
      Pendant de nombreuses années, je vécus seul mais occupé ; mais au bout d’un certain temps, la solitude prit une forme à laquelle je ne m’attendais pas : l’ennui le plus dangereux et sournois qu’il soit.
     Pris de folies passagères, je me mis à prendre des risques : happé par la curiosité, je guettais en retrait les allées et venues d’un groupe d’enfants joueurs en quête de frissons dans ces bois obscurs empreints de légendes du soir que leurs parents leur contaient avant de dormir.
     Une fois par semaine je patientais en espérant entendre ces rires dont j’étais devenu dépendant. Mais le sort cruel qui me caractérise face aux autres de mon espèce m’amena à me faire remarquer, les enfants pris d’une terreur égale à leur imaginaire s’enfuirent et ne revinrent pas. En revanche, l’un des pères confiant dans les dires de son enfant, se mit en chasse du « monstre ».
     Me rendant alors compte de mon erreur je ne pus que maudire le destin qui me poussa à ne plus chasser ni pêcher pendant tout un été ; me privant ainsi de mes ballades libres de tracas. A la place les insomnies se multipliaient et les doutes s’installaient. Bien qu’heureusement pour moi le rude hiver  arrivant les visites inopportunes se firent de moins en moins nombreuses jusqu'à ne plus être. Au final, je pris la décision de me faire violence et ne vit plus personne, même si je ne pouvais être vu.


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  • Commentaires

    1
    yseult-la-blonde
    Mercredi 19 Novembre 2008 à 10:36
    je reconnais bien ton style,ça m'avait vraiment manqué.En tous les cas tu arrives très bien à nous transporter dans cet univers particulier que constitue le monde de légende celtique.J'espère que ton personnage va trouver ce qu'il cherche.............
    2
    Mercredi 19 Novembre 2008 à 12:30
    j'adore continue a nous transporter


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